NOCTURAMA de Bertrand Bonello [Critique Ciné]
Avec Nocturama, le réalisateur Bertrand Bonello signe sa vision très personnelle du film d’action. Pas sur cependant qu’elle ne soit au goût des fans du genre…
SYNOPSIS : Une bande de jeunes d’horizons très différents décide d’organiser une série d’attentats simultanés dans plusieurs endroits dans Paris avant de se retrancher dans un grand magasin.
Il est plutôt curieux de voir que Nocturama a réussi à sortir en salles alors que Nicolas Boukhrief n’a jamais pu sortir son film Made In France et que Bastille Day a été retiré très vite des salles à la suite des attentats. Parce que le long métrage de Bertrand Bonello se veut moins ancré dans la réalité, on voudrait nous faire croire qu’il est moins dangereux. Même si il a été écrit en 2011, il rappelle pourtant tout autant les tragiques événements qu’a connu la France à trois reprises ces derniers mois.
Nocturama commence par une bonne vingtaine de minutes de personnes en train de changer de correspondance dans le métro sans aucun dialogue. Voilà de quoi donner le ton du film. On suit des jeunes qui se croisent où se réunissent dans différents coins de Paris sans qu’on ne comprenne encore trop pourquoi. Avec un flash-back, on comprend qu’il s’apprête à commettre différents attentats dans Paris mais dans leur regard on ressent plus une sorte de résignation qu’une véritable détermination. On attend alors de véritables explications sur leur motivation.
C’est presque 40 minutes de film pratiquement muet que le spectateur devra subir sur un film de 2h10 qui aurait largement pu être raccourci tant il ne se passe rien. Bertrand Bonello a une drôle façon d’imaginer la tension d’un film d’action. C’est tellement mou qu’on ne ressentira rien d’autre que de la perplexité au moment des explosions. C’est en général ce qui plait à un public qui préfère pouvoir faire divaguer son esprit lors du visionnage d’un film plutôt que d’être plongé dans une intrigue véritablement intense.
Nocturama finira de nous décevoir dans sa seconde partie où les apprentis terroristes ont décidé de se réfugier dans un grand magasin au cœur de Paris pour s’y ennuyer toute la nuit. Dans cette partie plus bavarde, on espère obtenir enfin les réponses à nos interrogation mais Bertrand Bonello préfère s’enfoncer encore dans d’autres scènes inutiles comme une scène de playback sur My Way ou une vague critique de la société de consommation. Mais pour savoir comment cette bande constituée de petits bourgeois que de jeunes de banlieue a pu se réunir et dans quel but, pourquoi doivent ils louer une chambre d’hotel à 400€ pour se changer en employé de voirie ? et surtout comment ont ils pu être retrouvés aussi vite ? Il faudra repasser car nous n’aurons aucune réponse.
Le réalisateur a fait appel tout autant à des acteurs déjà expérimentés dans le film d’auteur comme Finnegan Oldfield (Bang Gang, Les Cowboys), Vincent Rottiers (Valentin Valentin, Bodybuilder), Hamza Meziani (Les Apaches) ou Manal Issa (Peur De Rien) qu’a des débutants complets comme Laure Valentinelli ou Ilias Le Doré. Il n’y en aura pas un pour rendre son personnage vraiment attachant tant ils manquent de consistence. Le comble du ridicule est l’emploi de Luis Rego en SDF qui ne sert strictement à rien. Le réalisateur s’est aussi fait plaisir en faisant apparaître Adèle Haenel pour sortir la seule ligne de dialogue qui apportera un semblant d’explication à la motivation de ces apprentis terroristes.
A soigner plus la forme que le fond, Bertrand Bonello signe plutôt un drame sur l’exaspération de la jeunesse qu’un véritable thriller ou film d’action. Ceux qui espéraient un film original et beau avec une intrigue véritablement tendue risquent fortement d’être déçus tant le scénario est aussi peu crédible que celui d’un film de Jason Statham. Il n’y a que les pseudos intellectuels qui pourront être séduits par cette histoire qui leur laissera tout le temps de s’imaginer ce qu’ils veulent dans leur tête à partir de scènes sans intérêts. En fait c’est probablement parce que personne n’ira le voir que Nocturama a pu sortir au cinéma contrairement aux autres films sur le même sujet.
MON AVIS : 0/5
FICHE TECHNIQUE :
- RÉALISATEUR : Bertrand Bonello
- AVEC : Finnegan Oldfield, Vincent Rottiers & Laure Valentinelli
- SCÉNARISTE : Bertrand Bonello
- COMPOSITEUR : Bertrand Bonello
- GENRE : Drame
- DURÉE : 2h10
- NATIONALITÉ : Français, Allemand, Belge
- DISTRIBUTEUR : Wild Bunch Distribution
- SITE OFFICIEL : http://nocturama-lefilm.com/
- DATE DE SORTIE : 31 août 2016
Le regard de Bonello sur la jeunesse n’est pas tendre. Il la montre, comme Arthur Penn le faisait avec Bonnie and Clyde en son temps, à bout de souffle, à bout d’idéal, mais dans une détermination sans limite à aller jusqu’au bout de ce qu’elle aura entrepris. Ici, il sera à peine question d’essayer de s’échapper et la mort réservée aux sept adolescents ressemblera par bien des côtés à l’issue fatale de la geste des deux gangsters. Car dès le départ, leur entreprise est désespérée et l’intrusion dans la Samaritaine montrée comme une auto-asphyxie.
Plus qu’un discours critique, Nocturama est donc un diagnostic extrêmement pessimiste sur l’état de tension auquel est parvenu la jeunesse et donc avec elle toute la société française. À cet égard, l’actualité lui a plus que donné raison en transformant ce qui relevait de la fiction quasi-parabolique en actualité brute. Néanmoins, on l’a vu, le film s’adosse à un certain nombre de croyances qui en font aussi la limite et rendent parfois son discours inactuel.
Ou peut-être utopique. Si la jeunesse existe encore comme entité, ce n’est plus positivement comme corps un, capable d’agir, mais négativement : comme corps malade. La seule force qui unisse tous les jeunes, c’est le trouble produit par le vide idéologique. Or, ce désarroi, il n’est pas sûr que le film le cerne complètement. Ou peut-être est-ce sciemment qu’il décide de maintenir l’hypothèse d’un corps un, par la fiction (fût-elle désespérée), dans un geste utopique.
Quoi qu’il en soit, l’Histoire a rattrapé et devancé la fiction, exhibant, au cœur du film comme dans tout le cinéma français, l’image manquante du présent : une image fidèle, c’est-à-dire capable d’en saisir la complexité, sans nécessairement renoncer à la fiction. Une image qui manque ici comme elle manque ailleurs et qui pallie (provisoirement ?) le vide politique. Sans combler ce vide, Nocturama s’aventure néanmoins sur un terrain où peu d’autres sont allés et il contribue sans aucun doute à dresser une cartographie du monde présent.
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