UN RACCOURCI DANS LE TEMPS de Ava DuVernay [Critique Ciné]
Dans sa politique de remake, Disney a choisi de porter à nouveau à l’écran le best-seller Un Raccourci Dans Le Temps. Mais cette histoire mérite t-elle vraiment le coup de s’acharner à vouloir en faire un film ?
SYNOPSIS : Fille d’un couple de scientifiques mondialement connus, Meg Murry a du mal à surmonter la disparition mystérieuse de son père il y a déjà quatre ans. Même si elle espère qu’il soit encore en vie, elle commence malgré tout à perdre espoir. C’est là que trois guides Mme Quidam, Mme Qui et Mme Quiproquo vont apparaître dans sa vie pour lui redonner confiance en elle car la jeune fille est la seule capable d’utiliser le tesseract afin de partir à la recherche de son père en compagnie de son camarade de classe Calvin et son petit frère Charles Wallace.
Il y a des films qui semblent à l’avance vraiment être taillés pour devenir des échecs commerciaux. Nouvelle adaptation du roman de Madeleine L’Engle, véritable best seller vendu à 23 millions d’exemplaires à travers le monde depuis sa sortie en 1963, Un Raccourci Dans Le Temps semble être de ceux là. Déjà porté à l’écran par Disney en 2003 dans un téléfilm intitulé en France Les Aventuriers Des Mondes Fantastiques dont plus personne ne se souvient, le long métrage semble vouloir suivre cette voie tant tout sonne faux du casting à la bande annonce. Preuve que Disney le sait pertinemment le film sort très discrètement le 14 mars 2018 en dehors de toutes vacances scolaires alors qu’il est normalement destiné aux enfants. Tout cela fait étrangement penser au destin du film A La Poursuite De Lendemain de Brad Bird, dernier gros bide de Disney qui partait pourtant avec de sérieux arguments.
Comme pour cacher la vacuité de cette histoire, Disney semble vouloir exploiter commercialement le combat mené actuellement pour que plus de femmes et de minorités soient visibles à l’écran et dans les équipes techniques en montant de toute pièce ce film comme une espèce d’étendard à la cause sur lequel repose tout le marketing du film. Très convoitée depuis qu’elle a été nommé aux Oscars et aux Golden Globes pour son film Selma, Ava DuVernay s’est laissé convaincre par Disney de réaliser Un Raccourci Dans Le Temps alors qu’elle n’avait jamais lu le livre auparavant, faisant d’elle la première réalisatrice noire à la tête d’un film au budget de 100 millions de Dollars. C’est aussi une femme que l’on retrouve au scénario, la célèbre Jennifer Lee scénariste de La Reine Des Neiges. Le casting est aussi enrichie de femmes puissantes comme Oprah Winfrey la plus célèbre de toutes les animatrices télé américaines et peut être future présidente des U.S.A. et Reese Whitherspoon devenue productrice à succès avec la série Big Little Lies.
Mais en plus de vouloir paraître comme un projet féministe, le film cherche aussi clairement a séduire un public noir comme l’a fait avant lui Black Panther en changeant l’origine de l’héroïne de cette histoire, quitte à déplaire aux fans du livre, pour donner aux petites filles de couleur une nouvelle héroïne à qui s’identifier. Pour soi disant mieux coller à l’ère du temps, ses parents sont un couple mixte un père blanc et une mère noire dont on insiste pour dire qu’elle est aussi une scientifique et non pas une mère au foyer. Ils ont en plus adopté un petit garçon. Autre liberté prise par rapport au roman, les jumeaux Sandy et Dennis ont étés totalement rayés de cette nouvelle adaptation pour des raisons mystérieuses.
A moins d’être une jeune fille de 12 ans, il sera bien difficile d’être pris par l’histoire de Un Raccourci Dans Le Temps. Dès les premières minutes, on se retrouve devant un film très bavard dans lequel on a l’impression qu’il ne se passe rien. Nous n’aurons jamais une seule explication sur le fait que le petit frère de Meg semble déjà connaître les espèces de gentilles sorcières qui viennent chercher la jeune fille. On en aura rapidement marre de leur longs discours moralistes pour inciter l’héroïne à relever la tête et faire face à ceux qui la harcèle à l’école. Il faudra probablement avoir lu le livre pour comprendre qui sont ces trois étranges visiteuses et d’où elle viennent. Leur voyage inter-dimensionnel ressemble à une longue projection diapo où les personnages posés sur des fonds verts ne semblent que changer de décors sans qu’il ne se passe rien. Bien que réalisé par Weta Digitals, la boite de Peter Jackson, avec un budget très confortable, les effets spéciaux sont horribles et rendent artificiels même les décors naturels. Seul une scène de tempête dans une forêt assurera deux minutes d’action vraiment spectaculaire dans tout le film. On voudrait nous faire croire à un grand danger avec un méchant qui s’appelle Ça comme le Clown de Stephen King mais qu’on ne verra jamais. Au final, il est bien difficile de vraiment classer ce film comme une oeuvre de science fiction tant on y retrouver aucun éléments clés.
Un Raccourci Dans Le Temps a beau réunir un casting incroyable, il n’y en aura pas un pour se démarquer. L’impression de gâchis est énorme de voir Reese Whitherspoon, Oprah Winfrey et Mindy Kaling incarner les trois Madame qui après nous avoir bien saoulé dans la première demi heure finiront par disparaître du reste du film montrant bien leur inutilité. Le père disparu est joué par un Chris Pine au look de Jedi que l’on ne verra que dans quelques flashbacks avant de le retrouver en fin de film sans qu’il ait une seule scène pour être mis en valeur. Sa femme est joué par la valeur montante Gugu Mbatha-Raw dont le rôle a été sur-vendu par rapport à sa présence à l’écran. Même les acteurs comiques Zach Galifianakis et Michael Pena n’arriveront pas à nous faire décrocher un sourire dans cette torpeur. Quand aux casting de gamins, ils semblent avoir été très mal dirigé car on ne sentira aucunes émotions à les suivre dans cette aventure. Le plus jeune arrivera même à devenir encore plus horripilant en fin de film en se faisant posséder par la menace qui tenait prisonnier son père.
Comme une sorte de sous Magicien d’Oz vraiment raté, on voit mal comment une telle histoire peut vraiment être l’adaptation d’un best seller. Très moraliste, le film n’arrive pas à faire passer correctement les véritables messages qu’il voudrait véhiculer sur l’acceptation de soi pour se dépasser, trouver la force en soi pour éliminer ses problèmes. Il aurait fallu pour cela voir l’héroïne faire autre chose que du tourisme sur fond vert. Mais surtout il aurait fallu couper dans les dialogues pour faire place à des scènes plus spectaculaires et enchanteuses. Au final le film est tellement raté qu’il risque de nuire au combat de ceux qui voudraient plus de femmes et de diversité dans les équipes. C’est juste que Ava DuVernay n’était peut être pas la plus approprié pour mettre en scène un blockbuster et diriger des enfants. Elle a suffisamment fait ses preuves auparavant pour se dire qu’elle paye ici les conséquences d’un projet marketing sur-vendu dans sa campagne promotionnelle par rapport à ce qu’il est vraiment auquel elle n’aurait jamais dû s’associer.
MON AVIS : 0/5
BONUS : La bande annonce du téléfilm de 2003
FICHE TECHNIQUE :
- TITRE ORIGINAL : A Wrinkle In Time
- RÉALISATRICE : Ava DuVernay
- AVEC : Storm Reid, Levi Miller, Deric McCabe, Oprah Winfrey, Reese Witherspoon, Mindy Kaling, Chris Pine & Gugu Mbatha-Raw
- SCENARISTES : Jennifer Lee et Jeff Stockwell d’après le roman de Madeleine L’Engle
- COMPOSITEUR : Ramin Djawadi
- GENRE : Science Fiction
- DURÉE : 1h50
- NATIONALITÉ : Américain
- DISTRIBUTEUR : The Walt Disney Company France
- SITE OFFICIEL : http://disney.fr/films/un-raccourci-dans-le-temps/
- DATE DE SORTIE : 14 mars 2018
Critique rédigée le 08/03/2018