KINGS de Deniz Gamze Ergüven [Critique Ciné]
Après le destin tragique d’une famille turque dans Mustang, Deniz Gamze Ergüven s’est envolé à Los Angeles pour dépeindre le quotidien d’une famille américaine pas comme les autres confrontée aux émeutes de 1992 dans Kings.
SYNOPSIS : En 1992 à Los Angeles alors que le procès des policiers qui ont molesté Rodney King bat son plein, Millie avec son grand cœur prend le plus grand soin des enfants en attente d’adoption qu’elle a recueillie. Mais lorsque les émeutes vont exploser dans la ville, les plus grands vont vouloir eux aussi défendre leur droits à l’égalité de traitement tandis que Millie est prête à tout pour les protéger.
Après avoir gagné le Golden Globe du meilleur film en langue étrangère et avoir été nommé aux Oscars pour Mustang, on pourrait croire que le réalisatrice Deniz Gamze Ergüven a cédé aux sirènes hollywoodiennes pour son second film. Mais contrairement à ce que l’on pourrait croire, Kings n’est pas un film américain mais bien une production française curieusement financée en grande partie par la société chinoise Bliss Media, spécialisé dans les productions internationales. C’est en fait un projet que la réalisatrice avait à cœur de longue date et qui a probablement été plus facile à tourner maintenant qu’elle s’est fait un nom aux Etats Unis. Avec un nouveau sujet sensible et malheureusement toujours autant d’actualité aujourd’hui, la réalisatrice arrivera-t-elle à poursuivre son ascension américaine ?
Ne vous fiez pas à cette bande annonce très américaine car Kings n’est clairement pas aussi intense que pourrait le laisser croire cet assemblage de scènes qui bien souvent ne se déroulent absolument pas comme cela. Le nouveau film de Deniz Gamze Ergüven n’est pas un thriller comme le Detroit de Kathryn Bigelow mais une comédie dramatique qui se focalise avant tout sur l’amour d’une mère plus que sur les émeutes en elle-mêmes. Dans les premières minutes, on pourrait croire que Millie (Halle Berry) a été une mère bien féconde mais en regardant de plus près tous ces enfants, pour la plupart noirs comme elle, on se rendra compte qu’il ne sont clairement pas pas tous les siens. Malgré de faibles ressources financières, Millie ne peut jamais refuser d’accueillir de nouveaux enfants en attente d’adoption et chaque départ d’un bambin est clairement un déchirement.
Les premiers moments du film nous montre le quotidien de cette grande famille recomposée où les plus grands doivent s’occuper des plus jeunes tandis que Millie tente d’arrondir les fins de mois en fabriquant et en livrant des gâteaux au Seven Up. En parallèle, on découvrira les événements qui ont conduits aux terribles émeutes de 1992. Cela a commencé par une épicière asiatique acquittée par la justice après avoir abattu accidentellement une jeune noire qu’elle pensait être un voleuse. Tout le long du film, on verra aussi des images du célèbre molestage du pauvre Rodney King par des policiers alors que leur procès bât son plein. Impossible d’y échapper car toutes les télévision sont en boucles sur cet événement. Alors que tout semblait les accuser, l’acquittement de ces policiers va alors mettre le feu aux poudres dans le quartier ou Millie vit avec ses enfants et dans toute la ville.
A partir de là, ça va être la panique totale pour cette mère adoptive qu va devoir courir partout pour éviter les drames. Alors que les deux plus grands sont partis à la suite de la belle et exubérante Nicole, jouée par Rachel Hilson la révélation du film, pour se frotter aux forces de police avec les risques que cela peut entraîner, trois plus jeunes vont aller participer aux pillages des magasins. C’est avec l’aide de son voisin, le seul blanc du quartier, un écrivain colérique joué par Daniel Craig qu’elle va sillonner le quartier à leur recherche. Des émeutes, on ne verra principalement que des images d’archives à la télé et quelques excités dans la rue. Il ne faut clairement pas s’attendre à une grande reconstitution détaillé des événements car ce n’était clairement pas les intentions de la réalisatrice.
Après avoir milité pour la liberté des femmes en Turquie dans Mustang, c’est le grand combat pour la cause noire que veut défendre ici le réalisatrice Deniz Gamze Ergüven. Si cette histoire se déroule en 1992, on peut se rendre compte que rien n’a encore vraiment changé aux Etats Unis même après les deux mandats de Barack Obama. Les noirs sont encore bien trop souvent considérés comme inférieur et peuvent être victime de toutes formes de violence par les autorités sans qu’ils soient pour autant inquiétés. Il y aurait de quoi faire un véritable drame avec cette histoire mais la réalisatrice semble avoir voulu mettre en lumière les petits moments de bonheur dans la vie difficile de cette famille recomposée avec de nombreuses scènes amusantes. Au lieu de nous servir un véritable climax bien tendu en guise de dernière partie, c’est dans une situation pour le moins incongrue proche de la comédie que vont se retrouver Millie et son voisin alors que le drame n’est pourtant pas loin. Une fin loin de ce à quoi on était en droit de s’attendre et qui forcement se montrera décevante.
Kings n’est clairement pas le grand film sur les émeutes de 1992 que l’on aurait pu croire. Malgré les difficultés dans la vie de cette famille, on a l’impression malgré tout que la réalisatrice Deniz Gamez Ergüven a voulu faire un feel good movie en imaginant beaucoup de scène d’humour et de joie. Le drame ne sera pourtant jamais très loin et le film laisse tout de même à réfléchir sur les problèmes que peuvent vivre les plus démunis qui vivent pourtant si proche d’Hollywood et sur la cause noire qui a toujours autant de mal à être respectée.
MON AVIS : 2/5
FICHE TECHNIQUE :
- RÉALISATEUR : Deniz Gamze Ergüven
- AVEC : Halle Berry, Daniel Craig, Rachel Hilson, Lamar Johnson et Kaalan Walker
- SCÉNARISTE : Deniz Gamze Ergüven
- COMPOSITEUR : Nick Cave et Warren Ellis
- GENRE : Comédie Dramatique
- DURÉE : 1h27
- NATIONALITÉ : Français
- DISTRIBUTEUR : Ad Vitam
- SITE OFFICIEL : http://www.advitamdistribution.com/films/kings/
- DATE DE SORTIE : 11 avril 2018