JOKER FOLIE A DEUX de Todd Phillips [Critique Ciné]

6 octobre 2024 hohxb

Pari suicidaire entre comédie musicale et film de procès, Joker Folie à A Deux étonne et détone.

Lorsque Todd Phillips, réalisateur de la trilogie Very Bad Trip a annoncé vouloir mettre en scène une réimaginaton personnelle de Joker, le grand adversaire de Batman, presque personne n’a pu penser cela imaginable pas même DC Comics et Warner Bros. Et pourtant, le cinéaste a su faire taire les mauvaises langues avec un long métrage finalement récompensé du Lion d’Or à La Mostra De Venise en 2019 et de deux Oscars en 2020. Un palmarès auquel aucun autre film de super héros ne peut prétendre à ce jour.

C’est donc avec beaucoup plus d’enthousiasme que Warner Bros attendait de pouvoir produire une suite a cette grande réussite. N’ayant pas l’intention à l’origine de prolonger cette nouvelle Origin Story, Todd Phillips a décidé de prendre son temps pour songer au futur de son Joker. Et là encore, le réalisateur a laissé à nouveau les fans perplexes en annonçant que cette suite intitulée Joker Folie À Deux prendrait la forme d’une comédie musicale. Produit par Bradley Cooper, ils ne leur a pas fallu trop d’effort pour convaincre Lady Gaga d’incarner la nouvelle Harley Quinn. Ce qui n’a fait qu’ajouter encore plus d’inquiétudes à tous ceux qui n’apprécient pas la chanteuse et pseudo-actrice. À nouveau en compétition à la Mostra De Venise, il n’y a eu curieusement très peu d’échos après la projection et c’est sans aucune récompense qu’il a quitté le festival. Ce ne sont pas non plus les premières bandes annonces mettant trop en avant Gaga qui avait de quoi nous rassurer. Et pourtant c’est bien une nouvelle claque que nous délivre le réalisateur Todd Phillips bien épaulé par un Joaquin Phoenix toujours aussi magistral.

Surprenant dès ses premières minutes, Joker Folie A Deux débute par une aventure animée du Joker dans la lignée des Looney Tunes de Warner Bros. Un dessin animé signé par le français Sylvain Chomet, célèbre réalisateur des Triplettes De Belleville et de L’Illusionniste comme une sorte d’avant programme à l’ancienne. Le long métrage commencera vraiment en nous dévoilant un Arthur Fleck plus amaigri que jamais enfermé dans l’aile la plus stricte de l’asile de Gotham City. Totalement mutique, il n’est plus que l’ombre de celui que nous avions quitté en dangereux Joker.

À donner une suite à son Joker, Todd Phillips est contraint de lever le doute qui planait sur la réalité des faits commis par Arthur Fleck dans le premier film que nous aurions pu prendre pour le fruit de son imagination débordante. Accusé du meurtre de cinq personnes dont l’animateur vedette Murray Franklin, il est en attente de son procès où il risque la peine capitale. Si nous ne saurons pas exactement combien d’année se sont écoulées, nous apprendrons que sa terrible histoire a fait l’objet d’un téléfilm et que l’engouement autour de lui n’est pas retombé. Parce qu’il s’est bien comporté, il obtiendra le droit d’intégrer la chorale de l’asile. C’est là qu’il va faire la rencontre de Lee qui prétend être une grande admiratrice et dont il tombera rapidement amoureux.

L’amour donnant des ailes, cette romance redonnera goût à la vie à Arthur Fleck qui après une cigarette, puis en arrêtant de prendre son traitement, finira par redevenir bien plus volubile. L’euphorie de l’amour lui donnera alors des envies de chanter faisant alors basculer le film dans la comédie musicale après un clin d’oeil aux Parapluies De Cherbourg. Comme nous l’imaginions ces premières chansons seront d’abord uniquement dans la tête d’Arthur Fleck mais elles finiront par moment par être exprimées de vive voix.

Ce sera malheureusement le vrai point noir de cette suite. Comme bien souvent ces chansons ne feront que ralentir le rythme du film et ne présenteront que peu d’intérêt à l’exception de quelques numéros vraiment réussis. Au lieu de chansons originales, ce sont souvent des reprises d’air de crooners et de chansons des années 30 pour la plupart déjà entendues dans le premier Joker. Si les chansons seront aussi exaspérantes, c’est aussi parce qu’elles seront pour la plupart interprétées par une Lady Gaga qui ne donne pas l’impression de jouer un personnage mais d’être la chanteuse que nous connaissons trop bien. Parfois mal chanté en murmurant ou poussant par moment trop sur la voix, il n’y a bien que ses fans de moins en moins nombreux pour supporter cela.

À coté de cette très mauvaise fausse bonne idée, Joker Folie A Deux reste cependant le digne prolongement du premier film. Outre ces numéros musicaux, cette suite est partagée entre le film carcéral et le film de procès. Introduisant le personnage d’Harvey Dent en avocat de la défense, ce procès devra déterminer si Arthur Fleck était toujours lui-même lorsqu’il prenait l’apparence du Joker. L’occasion pour Joaquin Phoenix de nous éblouir à nouveau dans ce rôle bipolaire mais aussi de recroiser des personnages du premier film dans des scènes fortes en émotion. Même si vous êtes excédés par les chansons, il sera bon de ne pas quitter la projection pour autant car la dernière partie monumentale aura suffisamment d’arguments pour vous réconcilier avec Todd Philips

Contrairement à ce que laisse penser les bandes annonces, Harley Quinn reste heureusement un personnage secondaire de l’histoire que nous serons bien soulagé de voir disparaitre de temps en temps. Très éloignée de la version incarnée par Margot Robbie qui n’aurait pas eu sa place ici, cette nouvelle vision du personnage aurait mérité une vraie actrice de la trempe de Rooney Mara, compagne à la ville de Joaquin Phoenix. Un rôle qui aurait pu largement être plus développé à la place de ces numéros de chants inutiles. Mais bien que Todd Phillips annonce encore une fois qu’il ne fera pas de suite ou de spin-off consacré à Harley Quinn, il y a tellement de matière encore à explorer que rien ne semble réellement impossible.

Véritables montagnes russes d’émotion entre des scènes très réussies réellement digne du premier film et des numéros musicaux pour la plupart inutiles, Joker Folie A Deux contient suffisamment de scènes choc magistralement mise en scène pour ne pas décevoir les fans. D’autant plus que Joaquin Phoenix s’y montre une fois de plus réellement exceptionnel et que de nombreux seconds rôles méritent le détour à l’exception de l’erreur de casting Lady Gaga. Dîtes vous que si vous ne l’avez pas aimé la première fois par la présence des chansons, un deuxième visionnage vous permettra de voir que cette suite est vraiment à la hauteur de nos attentes.

MON AVIS :

 5/5